Sofa et Marie-Antoinette
 
On ne va passementerie,
Passepoiler ici,

Elle, de nature, infroissable,
D’ordinaire, bien assise dans son confortable,
Elle se laissait choir,
Avachie sur sa chaise caquetoire,
Elle, habituellement si coquette,
Elle n’était plus que douillette,
 
Hier encore, c'était elle, 
Sa berceuse,
Elle, 
Sa causeuse.
 
Mais depuis, qu'elle les avait vus, 
Lui et Sofa sur le divan,
Nus,
Elle était toute déboutonnée,
Effondrée,
Ployant sur son pliant,
 
Comment avait-il pu ?
Lui,
Devant cette bergère,
Ce crapaud, cette mégère,
Faire le beau,
Sur son escabeau, 
 
Cette femme n'était qu'une agrafeuse,
Que lui trouvait-il à cette chauffeuse ?
A cette moue boudeuse,
A cette ponteuse,
A cette caqueteuse,
A cette Sultane,
A cette vulgaire ottomane.
 
Pourtant, c'est grâce à elle,
A elle seule,
Qu'il avait pris du galon,
Qu’il avait décroché ce médaillon,
 
Elle avait été son strapontin,
Lui, son baldaquin,

Avant il ne voyait qu’elle,
Comment avait-t-il pu oublier sa voyelle ?
 
Elle était sa Pompadour
Il était son Voltaire.
Tout à son amour de velours,
Tout à lui plaire.
 
Ah oui !
Combien de fois l'avait-il monté en chaires !
Rejetée sur le lit,
Fier comme un Rocking-Chair,
Il avait commis, sur son passepoil, le crime d’embourrure,
L'entoilage de sa garniture
Parfois sur le tabouret, 
Parfois en cabriolet,
Sur le fauteuil en confessionnal.
A lui déchirer son dernier crin animal.
 
Que pouvait-elle faire désormais ?
 
Elle ne pouvait plus jouer au bridge,
Paraître relax sur son convertible,
Mais pourquoi éternellement, se languir,
Se cramoisir, 
Se souvenir qu’il lui avait empoché les oreilles et les joues,
Et n’être qu’une voyeuse à genoux,
Qui, jusqu’à la nuit des temps, prie-Dieu pour qu'il lui revienne,
Pour qu’elle retourne à Damas, peu importe d’où qu’elle vienne,

Il avait mené en bateau sa Duchesse,
De gondole
En cabriole,
Fait d’elle une pêcheresse.

Il était son confident,
Son amant,
Elle pleurait son indiscret,
Bon dieu, qu’il était laid !

Désormais devant lui,
Elle ferait tapisserie,
Naguère marquise esseulée,
Elle n'était plus qu'une Duchesse brisée.